A cette
époque, Friedrich se rapproche de la pensée de Schleiermacher, qui voyait l'approche du
sentiment religieux dans la contemplation de la nature.
En 1805, débute sa relation épistolaire avec Goethe.
En 1809, Runge rédige la sphère des couleurs et en 1810, Goethe
écrit le Traité des couleurs. Ces deux ouvrages influencèrent profondément
Friedrich, lui procurant une symbolique supplémentaire, celle de la couleur. De plus,
Goethe affirme que tout ce qui existe dans la nature appartient à une vision globale
décelable par l'esprit.
Friedrich est nommé membre de l'Académie de Berlin. Il voyage dans le Riesengebirge qui
devient un thème récurent de son oeuvre.
En 1812, on peut considérer que cette année marque la courte période
de reconnaissance du talent de Friedrich. Il expose à Berlin, est admiré par Goethe et
Frédéric - Guillaume III achète Matin sur le Riesengebirge et le Jardin
suspendu.
En raison des invasions napoléoniennes, il débute sa période concernant les sujets
patriotiques.
A cette période, de nombreux artistes et philosophes romantiques
décident de se rendre en Italie, dont Schinckel et Goethe. Mais Friedrich refuse d'aller
à Rome, parce qu'il rejette toute forme d'antiquité et par peur que le paysage
méditerranéen ne détruise son esthétisme.
Friedrich tombe malade en 1824. En 1826, son état s'aggrave et il
souffre d'un délire de persécution qui l'éloigne d'un bon nombre de ses amis.
Pendant cette période, il peint peu mais en 1827, il se remet à la peinture à l'huile.
En 1834, lors de la visite de l'atelier de Friedrich le sculpteur David
d'Angers a un célèbre mot pour définir l'art de Friedrich : " Cet
homme a découvert la tragédie du paysage. ".
En 1835, une congestion cérébrale le laisse paralysé.
Le 7 Mai 1840, Friedrich meurt à Dresde.
Le paysage
romantique.
" Le peintre ne
doit pas peindre seulement ce qu'il voit en face de lui, mais aussi ce qu'il voit en
lui ".
Cette phrase de Friedrich est la clé de son oeuvre, elle exprime tout le travail de
l'artiste romantique face à la nature. Il s'agit pour lui de mêler son propre état
d'esprit issu de cette vision à la représentation de la nature,
Philipp Otto Runge, proche des idées philosophico-religieuses de Friedrich, expliquait
qu'auparavant, les hommes faisaient leurs dieux à leur image. C'est une critique du monde
antique. Friedrich disait " l'art se présente comme médiateur entre la nature
et l'homme. Le modèle primitif est trop grand, trop sublime pour pouvoir être saisi. Sa
reproduction, oeuvre de l'homme, est plus proche des faibles ".
Le peintre intercesseur doit être pur. Sa main guidée par l'esprit doit retranscrire un
message noble. La pureté est un élément important et l'austère Friedrich
expliquait : " Conserve en toi une pureté d'enfant (...) une
véritable oeuvre d'art ne peut sortir que d'une âme pure ".
Le paysage nous met directement en relation avec la nature. Les peintres romantiques
cherchaient à créer un paysage spirituel typiquement allemand sans référence à l'art
antique ou à l'art italien. Ce paysage spirituel devait exprimer non seulement
l'apparence mais également la réalité cachée, l'infini de la nature jusqu'à atteindre
le Moi. La nature est la partie visible de la création divine.
Les Neuf lettres sur la peinture de paysage de Carl Gustav Carus,
rédigées entre 1815 et 1824 et publiées en 1831, éclairent cette idée de la nature
sublime.
Il explique que le recueillement, terme religieux par excellence, devant la nature, donne
à l'homme l'impression de se perdre dans l'infini. " Tu sens le calme limpide
et la pureté envahir ton être, tu oublies ton Moi. Tu n'es rien, Dieu est
tout ".
L'homme devant la puissance, la grandeur de la nature n'a pas d'autre alternative que la
méditation, son salut en dépend. Il doit se perdre dans cette contemplation pour tenter
d'atteindre l'Infini. La perte de l'identité qui en résulte doit être considérée plus
comme un gain, car il y a rapprochement avec Dieu.
La notion de panthéisme est très importante chez les Romantiques : Dieu est tout.
Lorsque nous regardons la nature, création de Dieu, nous cherchons à rencontrer notre
Créateur. Friedrich rejoignait cette pensée : " Le divin est partout
jusque dans un grain de sable ".
Le thème de la nature " Bible du Christ " occupe la pensée de
nombreux philosophes allemands de cette époque, notamment Goethe qui affirme que la
nature est un appel à l'illimité et que l'esprit est capable d'y percevoir l'indicible.
Hölderlin fait dire à Hypérion " Tout mon être se tait pour écouter les
tendres vagues de l'air jouer autour de mon corps. Perdu dans le bleu immense, souvent je
lève les yeux vers l'Ether ou je les abaisse sur la mer sacrée, et il me semble qu'un
esprit fraternel m';ouvre les bras, que la souffrance de la solitude se dissout dans la
vie divine. ", Vol I.
Les Romantiques
valorisèrent le genre du paysage : il acquit un sens plus spirituel. Kant, Schiller,
Boehme ont été les premiers a lui rendre ses lettres de noblesse. Ils créèrent un
vocabulaire, riche de symboles comprenant aussi bien la composition que la couleur.
Schelling dans Des Rapports des Beaux arts et la nature en 1807, disait
" L'artiste doit suivre l'esprit de la nature qui est à l'oeuvre au coeur des
choses et ne s'exprimer par la forme et le dessin que comme s'il n'était question que de
symboles ". Ces propos amènent la peinture de paysage au rang de la peinture
d'histoire.
Pour établir la supériorité de la peinture d'histoire, l'Académie affirme que ce genre
contient tous les autres, le paysage, la nature morte, et même parfois le portrait y sont
présents. Mais Schlegel démonte cet argument : Si le paysage n'est qu'un aspect de
la peinture d'histoire, il participe autant au message délivré par cette peinture qui
retrace un fait historique. Le paysage devient donc un genre très expressif, qui peut
être investi de tous les pouvoirs de suggestion. De ce fait, les Romantiques désiraient
placer le paysage à la première place de la hiérarchie des genres. Ils voulaient faire
accéder le paysage à l'expression du Sublime.
Le voyageur
au-dessus de la mer de nuages, 1818.
Huile sur toile 74.8 x 94.8 cm.
Hambourg Kunsthalle
L'homme est représenté
en vêtement de ville et tenant une canne, il se dresse sur un haut rocher au-dessus de
nuages et regarde la montagne la plus haute de ce paysage.
Cet homme serait un haut fonctionnaire saxon des Eaux et Forêts, ce qui expliquerait la
couleur vert sapin de son costume. Il regarde une montagne isolée, qui serait le
Rosenberg.
La présence de rochers est l'élément déterminant à la compréhension de cette oeuvre,
puisqu'ils symbolisent la foi chrétienne .
Pour rejoindre Dieu, l'homme doit traverser cette étendue qui ressemble à une mer
hérissée de récifs dangereux. Ce tableau représenterait un défunt : Cet homme, au
sommet de cette montagne, est à la fin de son existence.
De cette manière,
Friedrich met en évidence la condition humaine qui est à la recherche de Dieu et qui
doit connaître différentes épreuves avant de l'atteindre. Pour lui, Rencontrer Dieu est
une quête perpétuelle et qui doit être méritée. Cette recherche peut avoir un
caractère plus ou moins positif, et cela en fonction du vocabulaire choisi par le
peintre.
En fait, si ce personnage placé dans la nature se donne la peine de chercher cet infini
où se trouve la réponse à son existence, il abordera celle-ci de façon plus
optimiste,car il aura trouvé le réconfort dans les bras du Dieu-Nature. |